Comment articuler l’application du règlement INCO relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires[1] et la directive sur les pratiques commerciales déloyales (PCD)[2] s’agissant des produits alimentaires de « double qualité » ?

 

Le 29 septembre dernier, la Commission européenne a publié une communication[3] qui vise à répondre aux préoccupations des Etats membres quant au problème de ce que l’on appelle « le double niveau de qualité de certains produits», ce terme englobant les produits commercialisés dans le marché unique sous la même marque ou dénomination commerciale mais présentant des compositions, des qualités ou des contenus différents dans les différents Etats membres de l’Union européenne (UE).

A cet effet, la communication susvisée définit un certain nombre de principes généraux relatifs à l’articulation entre les règles spécifiques applicables aux denrées alimentaires telles que le règlement INCO relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires et la directive PCD qui dessine les contours généraux de la réglementation relative à la protection des consommateurs.

 

1. Comment articuler le règlement INCO et la directive PCD ?

Selon la Commission européenne, la première étape d’une enquête visant à établir la conformité des denrées alimentaires à la réglementation en vigueur devrait consister à vérifier le respect du règlement INCO qui établit un certain nombre de règles visant à éviter que les consommateurs soient induits en erreur au sujet des caractéristiques de la denrée alimentaire et notamment la nature, l’identité , la composition etc.

A cet effet, le règlement INCO prévoit une liste des mentions obligatoires devant figurer sur toutes les denrées alimentaires telles que la dénomination, la liste des ingrédients, la quantité nette, les allergènes etc.

En application de l’adage latin lex specialis derogat legi generali, les dispositions spécifiques du règlement INCO priment au regard des dispositions plus générales susceptibles de s’appliquer, telles que notamment la directive PCD qui prévoit expressément dans son article 3, p.4 qu’ : « en cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques ».

Cependant, la directive PCD n’est pas dépourvue de tout intérêt dès lors qu’elle peut être appliquée conjointement avec les réglementations sectorielles spécifiques aux aspects qui ne sont pas couverts par celles-ci.

Il convient de préciser à cet égard que les informations requises par les réglementations spécifiques (comme le règlement INCO) sont considérées comme « substantielles » [4] au sens de la directive PCD.

La non-communication d’une information substantielle peut ainsi être considérée comme une pratique commerciale trompeuse si cette omission est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Ainsi par exemple, l’omission d’une mention obligatoire au sens du règlement INCO pourrait être considérée comme trompeuse au sens de la directive PCD dans la mesure où elle est susceptible d’influencer les décisions commerciales du consommateur moyen.

 

2. Comment apprécier la conformité des produits dits de « double qualité » à la directive PCD ?

La commercialisation au sein de différents Etats membres de produits sous la même marque et le même emballage alors qu’ils présentent une composition et un profil sensoriel différents, pourrait être constitutive d’une pratique commerciale déloyale si :

  • Les consommateurs nourrissent des attentes spécifiques à l’égard d’un « produit de référence » (il s’agit d’un produit qui est commercialisé sous la même marque et le même emballage et selon une composition précise dans plusieurs Etats membre). La perception qu’ont les consommateurs des principales caractéristiques du produit correspond à la composition de ce produit conformément à la publicité qui en est faite dans la majorité des Etats membres;
  • Le professionnel omet de communiquer des informations adéquates aux consommateurs, ce qui les empêche de comprendre que le produit ne correspond peut-être pas totalement à leurs attentes ;
  • Les informations inadéquates ou insuffisantes risquent d’altérer le comportement économique du consommateur moyen, par exemple en l’amenant à acheter un produit qu’il n’aurait pas acheté autrement.

L’appréciation du caractère déloyal d’une pratique est effectuée au cas par cas.

La Commission européenne fournit à cet effet un certain nombre d’orientations à destination des autorités nationales compétentes (par exemple, la DGCCRF), à savoir :

  • Effectuer une vérification préliminaire au regard des exigences fixées par le règlement INCO ;
  • Pour les denrées alimentaires dont la composition est soumise à des normes spécifiques, vérifier la conformité à ces normes ;
  • Si une information exigée au titre des règles susvisées est manquante ou présentée d’une manière trompeuse, les autorités compétentes doivent prendre les mesures d’exécution qui s’imposent.

Un schéma visualisant les différentes étapes de cette analyse est également mis à la disposition des autorités nationales compétentes comme la DGCCRF qui sont par ailleurs invitées de mener leurs enquêtes de façon coordonnée en raison de la dimension transfrontalière de la problématique du « double qualité » des denrées alimentaires[5] :

 


[1] Règlement (UE) n°1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires

[2] Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2011 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur

[3] Communication de la Commission relative à l’application de la législation alimentaire de l’Union européenne et de la réglementation de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs aux questions de double niveau de qualité des produits, en particulier des denrées alimentaires (2017/C 327/01)

[4] Les informations substantielles sont les informations clés que les opérateurs sont tenus de communiquer aux consommateurs afin de leur permettre de prendre une décision commerciale en connaissance de cause.

[5] La coopération transfrontière est actuellement régie par le règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs (le règlement CPC) mais celui-ci devrait, a priori, être remplacé par un nouveau règlement CPC d’ici la fin de 2019.