Le 26 avril 2016, l’Autorité de la concurrence a rendu public son avis[1] sur deux projets d’arrêtés[2] qui ont vocation à encadrer la vente de médicaments en ligne en remplacement de l’arrêté du 20 juin 2013 annulé par le Conseil d’État pour excès de pouvoir. C’est un avis défavorable qu’a émis l’Autorité qui considère que ces textes ont un effet restrictif sur le commerce intracommunautaire car ils reprennent des dispositions dont le caractère restrictif avait déjà été souligné par l’Autorité dans le cadre de précédents avis. En effet, la France fait face à un développement très faible de la vente en ligne, ce qui n’est pas le cas dans les autres États membres comme le Royaume Uni, l’Allemagne et la Belgique qui peuvent aujourd’hui fournir en ligne des médicaments aux patients français.

Ces deux nouveaux projets de textes créent aussi des contraintes supplémentaires pour le commerce en ligne des médicaments que l’Autorité considère comme disproportionnées par rapport à l’objectif de protection de la santé publique et viennent réduire la liberté accordée aux pharmaciens français de créer une officine « en ligne« , déjà introduite de manière limitée par une ordonnance du 19 décembre 2012.

Tout d’abord, les nouveaux textes rendent obligatoire une « analyse pharmaceutique« , c’est-à-dire la vérification par le pharmacien de l’absence de contre-indications, d’interactions et de redondances médicamenteuses à l’attention des patients. Viens ensuite la limitation du « conseil pharmaceutique » qui est circonscrit à l’insertion de brochures de santé dans le colis du patient, au nom et à l’adresse du pharmacien, mais ne doit en aucun cas représenter une quelconque publicité. Les pharmaciens ne peuvent donc pas améliorer la visibilité de leur prix et de leur site internet, ce qui ne profite pas aux consommateurs. De plus, les pharmaciens ont l’obligation d’enregistrer les médicaments délivrés, leur quantité, ainsi que les raisons justifiant la délivrance d’une quantité supérieure à celle autorisée, ce qui vient alourdir les conditions d’exercice de la vente en ligne par rapport à celles de la vente au comptoir, sans justification particulière inhérente à la vente en ligne. Enfin, est rendue obligatoire une « démarche qualité » qui vise à la mise en place d’un système de management de la qualité pour la vente en ligne de médicaments en prévoyant la description détaillée de très nombreuses formalités à réaliser pour dispenser les médicaments par voie électronique. Cela engendre de nombreuses contraintes administratives et des coûts plus élevés que pour la vente physique de médicaments. La nouvelle législation créé un régime discriminatoire par rapport aux conditions exigées pour la vente physique, ce qui enlève tout intérêt à la commercialisation de médicaments par internet.

Si l’Autorité se montre réticente face à cette réécriture de la réglementation proposée par le gouvernement, c’est bien parce qu’elle est favorable à cette nouvelle forme de commerce pour les pharmaciens. La vente en ligne permettra notamment de « dynamiser, moderniser et rendre plus visible leur activité professionnelle en faisant bénéficier les patients de la souplesse de la vente en ligne […] de tarifs plus bas et d’une meilleure information sur les prix« . Reste à savoir si le gouvernement fera quelques modifications sur ces deux projets comme il l’a fait quand l’Autorité avait rendu son avis à propos de l’arrêté précédent.

Jean-Christophe ANDRE / Justine MOREL

 


[2]Les deux projets sont relatifs aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique et aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments.