Les États Généraux de l’Alimentation, lancés le 20 juillet 2017, s’articulent autour de deux chantiers, le premier consacré à la création et à la répartition de la valeur, le second portant sur une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous.

Sur ces sujets, quatorze ateliers thématiques et une consultation publique sont prévus entre la fin du mois d’août et la fin du mois de novembre.

Les échanges au sein de ces ateliers associent l’ensemble des parties prenantes : producteurs, industries agroalimentaires, distributeurs, consommateurs, restauration collective, élus, partenaires sociaux, acteurs de l’économie sociale, solidaire et de la santé, organisations non gouvernementales, associations caritatives et d’aide alimentaire à l’international, banques, assurances …

Le premier chantier des États Généraux de l’Alimentation, censé redessiner les relations commerciales entre producteurs, transformateurs et distributeurs et fixer un nouveau cap à l’agriculture, s’est terminé fin septembre. Le Président de la République n’a pas encore les synthèses des différents ateliers et ne peut donc encore donner le détail des mesures que prendra le gouvernement.

Pourtant, Emmanuel Macron a décidé de s’exprimer le 11 octobre 2017 à la lumière des travaux menés lors de cette première phase et a, d’ores et déjà, mis en avant plusieurs décisions concrètes.

 

  • Une contractualisation rénovée

Le Président de la République s’est engagé à présenter une loi visant à rééquilibrer les contrats entre agriculteurs, industriels et distributeurs pour mieux rémunérer les paysans.

« Nous modifierons la loi pour inverser la formation du prix qui partira du coût de production » a affirmé Emmanuel Macron. Autrement dit, le producteur fixera son prix en début de chaîne, en fonction de son coût de revient, et les transformateurs et les distributeurs appliqueront ensuite leurs marges. Le chef de l’Etat a demandé que ce nouveau mode d’établissement des prix prenne effet dès les négociations commerciales qui démarreront en novembre. Cette mesure aura également comme conséquence pour les consommateurs de voir les prix augmenter dans les rayons.

En outre, ces négociations commerciales devront s’inscrire dans une contractualisation pluriannuelle de trois à cinq ans afin de donner de la visibilité à tous les acteurs de la chaîne.

  • Un regroupement des agriculteurs

En contrepartie de cette mesure, Emmanuel Macron insiste sur l’importance pour les agriculteurs de mieux s’organiser et de structurer les filières de production pour devenir plus compétitifs.

En effet, pour que l’amont puisse peser dans les négociations, les agriculteurs vont devoir se réunir en organisations de producteurs. Ces groupements définiront par filière des indicateurs de marché, des coûts de production et des contrats-types.

  • Une saisine de l’Autorité de la concurrence

L’Etat se dit prêt à former les agriculteurs au droit de la concurrence afin d’éviter le risque d’entente commerciale.[1]

D’autre part, les agriculteurs sont encouragés à saisir l’Autorité de la concurrence pour qu’elle donne une interprétation précise du droit de la concurrence. Les interprétations apportées par l’Autorité permettront aux agriculteurs d’avoir une sécurité juridique et donc de négocier leurs contrats dans un cadre clair.

  • Le renforcement de l’Observatoire de la formation des prix et des marges

Le Président de la République a rappelé l’importance de travailler sur les coûts de production et les indicateurs de marché en s’appuyant, en partie, sur les travaux de l’Observatoire des prix et des marges.

  • Le rôle du médiateur des relations commerciales agricoles renforcé

Un contrôle accru du respect de ces nouvelles règles sera mis en place. Pour cela, le rôle du médiateur des relations commerciales agricoles sera renforcé.

Par ailleurs, le dispositif dit du « name and shame » qui consiste à nommer publiquement les acteurs qui ne respecteraient pas les nouvelles règles établies, sera rendu possible dans les relations commerciales agricoles.

  • Les relations entre les coopératives et leurs adhérents

Le Président de la République souhaite faciliter le départ des coopérateurs, rénover la gouvernance du Haut Conseil de la coopération agricole et inciter les coopératives à faire preuve de plus de transparence dans la redistribution de leurs gains aux producteurs.

  • Le relèvement de seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions

Emmanuel Macron est favorable au relèvement du seuil de revente à perte économique pour les produits alimentaires et à l’encadrement des promotions. S’agissant de la hausse du seuil de revente à perte, Emmanuel Macron n’a donné aucun chiffre mais la proposition émanant des Etats Généraux serait d’ajouter 15 % du prix d’achat.

Pour garantir ces mesures, il est indispensable de donner aux agents de la DGCCRF les moyens matériels et humains d’enquêter et de verbaliser tous les acteurs qui ne les respecteront pas.

 Enfin, l’ensemble de ces dispositions seront traduites sous la forme d’une ordonnance qui sera présentée au premier semestre de 2018 en vue d’une promulgation complète avant la fin du premier semestre de 2018.

 Ces premières mesures annoncées par Emmanuel Macron devraient donner l’impulsion au second chantier débuté au mois d’octobre qui tournera autour du thème d’une alimentation durable, saine, sure et accessible à tous.

Jean-Christophe ANDRE / Inès FOUACHE

 


[1] En ce sens, des propositions d’amendements au Règlement dit « Omnibus », visant à faciliter et à renforcer l’organisation des producteurs, sont en cours de discussion au niveau européen afin de créer une nouvelle forme d’organisation dénommée « organisation de négociation ». Cette nouvelle forme d’organisation pourrait concentrer l’offre de leurs membres même en l’absence de transfert de propriété, ce qui constituerait une dérogation significative au droit de la concurrence.