Dans un arrêt du 20 décembre 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne a jugé que l’utilisation d’une appellation d’origine protégée (AOP) comme partie de la dénomination sous laquelle est vendue une denrée alimentaire qui ne répond pas au cahier des charges relatif à cette AOP, mais qui contient un ingrédient répondant audit cahier des charges ne constitue pas un emploi illicite de la dénomination protégée « Champagne ».
La genèse du litige
Le Comité interprofessionnel du Vin de Champagne (CIPV), une association de producteurs de Champagne, a attrait devant les juridictions allemandes la société Aldi Süd au motif de l’utilisation illicite de l’AOP « Champagne » pour une glace vendue sous la dénomination « Champagner Sorbet ».
En première instance, cette association a eu un gain de cause mais le jugement a été réformé en appel.
C’est dans ce contexte que la Cour fédérale de justice de l’Allemagne a décidé de surseoir à statuer pour interroger la CJUE.
Les questions préjudicielles
En substance, les questions préjudicielles posées par la CJUE visaient à savoir si l’utilisation d’une AOP comme une partie du nom d’une denrée alimentaire ne répondant pas au cahier des charges de cette dénomination, à laquelle a été ajouté un ingrédient répondant audit cahier des charges, constitue une exploitation de sa réputation ou bien une usurpation, imitation ou évocation illégale de ladite AOP dans l’hypothèse où :
- le nom de la denrée alimentaire en question correspond aux habitudes de dénomination du public visé, et
- l’ingrédient a été ajouté en quantité suffisante pour conférer au produit une caractéristique essentielle.
Les réponses de la Cour
Dans le cadre de son analyse, la CJUE admet que l’utilisation de la dénomination « Champagner Sorbet » pour une glace est de nature à tirer profit de la réputation de l’AOP « Champagne » qui est souvent liée à la qualité et au prestige de ce produit.
Cependant, la Cour précise que l’utilisation de cette dénomination n’est pas constitutive d’une exploitation illicite de la réputation de l’AOP si la glace a comme caractéristique essentielle, un goût généré principalement par le Champagne.
En revanche, si tel n’est pas le cas, son emploi pourrait être à la fois constitutif d’une exploitation de la réputation de cette AOP et d’une indication fausse et fallacieuse sur la nature ou sur les qualités substantielles de ce produit.
Enfin, la Cour précise que l’utilisation d’une AOP comme partie de la dénomination de vente d’une denrée alimentaire qui ne répond pas au cahier des charges relatif à cette AOP mais qui contient un ingrédient répondant audit cahier des charges ne constitue pas une usurpation, une imitation ou une évocation illicite de cette dénomination au sens de la réglementation de l’Union européenne applicable aux appellations d’origine protégées.
Jean-Christophe ANDRE / Aksiniya MARINKOVA